"Lachez-prise" et dyslexie?

Publié le par Jaz

          "LACHER PRISE".


Il s'agit d'un concept/conseil à la mode, mais il y a loin du mot, de l'injonction qu'il représente quand on vous le propose, à l'effet souhaité. C'est manier le paradoxe que de le proposer comme l'orthographie le titre.
Miloud l'a enfin lâché, le mot, le reprenant à son compte (passant de l'ordre/conseil de l'impératif, entendu, au concept dans sa forme infinitive), en acceptant enfin l'idée qu'il allait peut-être envisager de s'exprimer sur tout ce qui bouillone en lui, à l'image du gribouillis réalisé il y a 6 ans, à 15 ans, qu'il
avait intitulé "la peur qui mélange".

S'exprimer par des mots? Très réservé il parlait peu et jamais de lui-même. Il a fallu l'apprivoiser en respectant ce silence. Je le sentais mal, mais que faire?
Un jour où il n'avait pas pu dormir, terrifié par un cauchemar qu'il ne pouvait raconter, nous avons essayé la relaxation, je lui ai passé un CD inspiré de la sophrologie pour l'aider à s'endormir...

Un jour, après quelques mois de travail intensif à reprendre les bases, alors qu'il ne pouvait arriver à se mobiliser pour "travailler", je lui avais proposé ce "défouloir", faire un gribouillis, pour l'aider à se dénouer un peu... Le problème des noeuds. On le retrouve partout, sur le plan énergétique (cf. les méridiens d'acupuncture), mais aussi dans les représentations métaphoriques, comme Ombredane parlant il y a bien plus d'un demi siècle de l'écheveau du langage qu'on ne pouvait analyser qu'en tirant un fil...

J'aime cette métaphore de l'écheveau:
comme pour entrer dans le langage des humains on a besoin de l'Autre pour nous le transmettre, on a besoin d'aide pour tirer le fil d'un écheveau de laine, l'autre est là, avec ses bras, ou à défaut le dossier d'une chaise, et en principe, si le fil est bien attrappé, tout se déroule, dans un rythme régulier. MAIS... que se passe-t-il si l'écheveau a été malmené, s'il s'est transformé en sac de noeud? Plus on tire, plus tout se bloque...

D'autres situations l'évoquent, celle de la ligne au bout de la canne à pêche, lorsqu'elle a souffert du transport jusqu'à la rivière, ou lorque le lancer n'a pas su la projeter, sac de noeud dont il ne faut surtout pas tirer le fil avant d'être remonté à la source du noeud. A défaut de laine ou de ligne, on peut avoir l'expérience d'avoir démêlé la ficelle d'un cerf-volant...

Quant au contenu... c'est l'image de la boite de Pandore qu'il vaut mieux ne pas ouvrir seul...


De la théorie à la pratique

Que se passe-t-il alors dans le champ du langage pour un non-lecteur qui n'arrive pas à entrer dans l'écrit, incapable d'écrire un seul mot usuel à 14 ans passé, lors de notre première rencontre. Que s'est-il passé pour qu'il soit au collège link, en 4e, sans savoir lire?

Comme cela a été illustré dans les articles précédents, on peut suivre plusieurs pistes.

La plus à la mode, la piste génétique. Il y a des antécédents familiaux, un frère qui présente une forte dyslexie: Youcef; on a vu son témoignage dans un précédent article (Des pénéloppes de l'apprendre).

Deuxième piste: la séparation de sa famille
il a grandi au pays, en Afrique, confié à la Famille, pendant que sa famille (père et mère) émigrait et que d'autres enfants naissaient ainsi en France. Il n'est venu les rejoindre que vers 10 ans.
 
Troisième piste: un problème de langue?
Scolarisé en CLIN à son arrivée, il a appris à parler français, s'est retrouvé en CM2, totalement largué pour l'écrit, mais est passé en 6e du
fait de son âge. Le médecin scolaire a fini par être alerté et me l'a adressé, sachant que j'avais fait des recherches dans ce domaine .
link.

J'ai essayé de savoir ce qu'il avait eu comme scolarisation antérieure. Bambara, école coranique, il ne pouvait en parler, mauvais souvenirs? Problèmes de mémorisation, d'apprentissage?

Un an plus tard il réalise un autre gribouillis, d'une toute autres facture. Sans titre, mais Miloud m'a donné l'impression de s'apaiser en le réalisant. Ce dessin a été réalisé avec des crayons qui permettent de travailler les couleurs au pinceau. La verticalité apparait, tout comme des tentatives de liens...
Nous sommes bien dans les prémisses de l'écrit, axes paradigmatiques et syntagmatiques pour le linguiste, amorce de projection/progression graphique pour l'orthophoniste.

Où situer le problème?
Ce n'est pas un problème d'intelligence mais plutôt de maturation psycho-affective, comme s'il n'avait pu grandir, avec la naïveté d'un enfant qui ne saurait mentir, comme souvent les dyslexiques, dans leur rapport au langage et aux autres (cf. témoignages d'adultes DL link  et Le témoignage en question link) (cf. Histoire vraie ou vraie histoire link et link pour le mensonge).

La quête identitaire
Il n'arrive pas à repérer les normes sociales, et nous devrons beaucoup analyser les situations qu'il rencontre dans un contexte scolaire, rapport hiérachisés mais aussi avec des pairs comme dans celui des bandes qui l'entoure... mais c'est un autre sujet. Approche pragmatique donc, nécessaire mais insuffisante car il continue à se poser des questions, sans cese, sans pouvoir pour autant s'en poser d'un autre ordre: il ne peut imaginer parler à quelqu'un d'autre, alors que je ne manque pas d'évoquer cette éventualité pour qu'il puisse enfin "écrire", car s'il se débrouille maintenant pour lire (grâce à une deuxièeme lecture) il ne peut aller au delà de remplir des papiers.

Il a tenu bon et progressé un peu pendant 3 ans, puis, quand il a commencé à réussir au lycée technique, se débrouillant à peu près avec l'écrit, excellent à l'oral et en atelier (peinture), après avoir réussi l'examen, il a décroché l'année suivante, ne venant que de loin en loin et... s'est planté. Fini le rêve de devenir plombier (sa première demande mais on l'avait orienté ailleurs et il fallait cette deuxième année pour y accéder), il n'est que peintre. Comme pour son frère, il y a toujours de bonnes raisons pour oublier les rendez-vous.

Il retourne au pays aux vacances, en quête de racines et tombe sur ceux de son quartier, partis aussi, qui l'entraînent à faire la fête. Personne ne répondra aux questions qu'il voulait poser...

L'estime de soi
Il privilégie le permis de conduire aux séances, il mettra près d'un an mais réussit le code. La conduite sera réussie facilement plus tard. Il part en Amérique où un oncle le fait venir pour un mois. Il retourne au pays pour l'enterrement de son grand-père qui l'a élevé, et après son retour, fait l'expérience d'avoir été pris pour un autre au cours d'une bagarre de bandes, 4 mois à l'ombre... injustice suprême!

Il cherche du travail, de nombreuses pistes sans suite, les Assedic, curiculum, entretiens d'embauche se succèdent, il n'y a plus de place pour des séances régulières mais il vient analyser, essayer de comprendre, se rassurer. Puis arrive son anniversaire, ce doit être le lendemain, et sa souffrance se dit enfin: on ne le lui a jamais souhaité en famille! Est-ce la goutte d'eau?

Un autre oncle qu'il a beaucoup connu, petit, meurt au pays et il veut y aller pour la levée du corps, au détriment des missions que lui confie sa boite d'intérim où il est très apprécié. Il n'en peut plus et laisse enfin sortir que ce passé le submerge, passé dont il n'a rien oublié (il a toujours dit le contraire), se demandant où il en sera à 25 ans.

Entrerait-il enfin dans "son histoire"?

C'est bien dans son histoire, celle d'un sujet, tout comme pour Manu*link , que peut alors s'inscrire le temps, un passé permet de s'interroger sur l'avenir, sujet dans un présent, ici et maintenant qu'il ne peut pour autant maîtriser, ensemble on ne peut plus fragile...

Il se donne deux jours de réflexion pour accepter d'en parler, de lâcher prise, avec quelqu'un dont c'est le métier. Il a repris l'expression de lui-même. J'évoque plusieurs pistes, celle de Trérèfle (voir "Communauté des consciences") et ses ateliers de collages... quelques psy... Il choisit le psy, créer l'intéresse mais il a besoin de parler dans une relation duelle. Rendez-vous est pris avec un psy juste avant son départ...
 








J'avais laissé une grande plage blanche en bas de l'article, ne sachant comment l'enlever. Le lieu d'écrire la suite?
PS Arrivé devant la porte du psy, Miloud a
fait demi-tour... et il a prolongé son séjour à son pays d'origine... affaires de famille sans doute. Que pourra-t-il faire à son retour? Comment retrouver les liens qui commençaient à se tisser?

Publié dans Dessins

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J
<br /> Encore une erreur à rectifier pour la cohérence du propos d'autres articles: l'oncle est décédé avant le grand-père...<br /> <br /> Un article est en cours de rédaction ici même sur l'apport de certains textes proposés sur le blog de Treflerele (lien dans le commentaire précédent) pour soutenir Miloud dans sa quête de lui-même.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Erreur de dyslexique que je ne réalise que maintenant (11/02/11) Le blog auquel je fais allusion est Treflerel!!!<br /> Lien à venir dans la réponse à ce commentaire<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Encore une erreur, omission cette fois de la finale Treflerele<br /> <br /> <br /> J'espère ne pas mêtre trompée cette fois. Il m'arrive d'en retenir quelques textes que nous travaillons avec l'un ou l'autre des plus âgés. Ces textes leur parlent... Tout comme certains ppt qui<br /> circulent sur le net.<br /> <br /> <br /> Il semble que le DL, faute d'apprendre à vivre dans son environnement par imprégnation, ait besoin de réaliser consciemment comment ça marche... ce qui explique en partie la souffrance qu'il éprouve du décalage permanent qu'il ressent comme Marie dans le lien sur<br /> souffrance.<br /> <br /> <br /> Voir également à ce sujet 'Dyslexie communication Neurones miroirs' "Vaincre les barrages de la communication orale ou écrite dans la catégorie Dyslexie ici-même.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Pour ajouter le PS, j'ai du supprimer la première version de l'article qui comportait le commentaire de MAY ci-dessous.<br /> <br /> "émouvant l'histoire de ce jeune garçon avec cet éparpillement affectif qui le déchire aux tripes...MAY"<br /> <br /> <br />
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