Espace-temps pour exister: point de vue pour une visée

Publié le par Jaz

 MaxTireurArc   Un "tireur", un arc, comment les relier?

 

 

Le problème du jour: Max a bien apporté quelque chose (notre contrat de départ, voir "Graphisme, lenteur et conflit") un dessin... à défaut d'avoir refait les "tableaux" dans son carnet qu'il a "oublié" dans son casier en classe!!!

 

Que veut-il me dire ainsi?

 

Je laisse tomber la fiche et le logiciel que j'avais prévus d'autant qu'il m'explique qu'il a perdu sa voix en "supportant" un cousin à un tournoi de hockey sur glace dans une ville voisine ce W-E.  Il s'anime tout heureux de m'en parler sans que j'aie eu à le solliciter, ni à parler, ni à rechercher ce qu'il a pu ressentir...  

   LES EMOTIONS SONT ENFIN LA !!!

 

Il enchaîne sur son dessin, conscient du fait que ce "tireur à l'arc" n'a pas l'air de tirer, et ajoute de façon inattendue

"je sais toujours pas vertical et horizontal",

le confirmant par le commentaire de son geste de tirer comme la flèche du dessin, dans un plan horizontal, en disant vertical...

 

Nous en avions déjà "parlé" dans notre approche fonctionnelle de la langue, car il y a bien deux axes dans une analyse classique (Saussure, Jakobson), l'axe paradigmatique, celui des choix, dont les éléments sélectionnés se projettent sur l'axe syntagmatique qu'on pourrait dire être celui des liens entre ces éléments, axe syntagmatique, de la séquence réalisée par leur mise en ordre selon des règles... pour produire un énoncé. J'avais alors parlé d'horizon, comme repère mais... il ne voit pas du tout ce que ça peut être. Il n'était pas prêt. Il faut trouver comment le lui faire découvrir, voire construire.

 

La grammaire du rééducateur n'est donc pas encore celle du rééduqué.

(cf. article dans RO N°186 1996)

 

 ArtusTemps   Nous avions également, la séance précédente, placé son parcours de vie passé sur l'axe horizontal figurant le temps dans le carnet de rééducation comme dans le tableau réalisé pour Artus, ci-contre. Il s'était donc dessiné bébé allongé dans un berceau, puis redressé, et je lui avais fait intercaler le temps de la marche à quatre pattes. Ce n'était en fait qu'abstraction de ma part et son oubli des documents dans son casier d'école confirme qu'il n'était pas encore prêt à intégrer les valeurs temporelles des conjugaisons au programme du CM2.

 

Le temps du rééducateur n'est pas encore celui du sujet.

(cf. article sur site)


Je reprends cette figuration de son histoire, espérant susciter une association où il réaliserait que l'enfant passe de l'horizontalité (entièrement dépendant) à la verticalité en se mettant debout, s'autonomise avec la marche (je pense au fameux paradoxe...).

 

D'un dessin

 

Devant son absence de réaction au rappel de son dessin d'alors, je passe à l'autre piste en lui proposant de dessiner la mer en espérant qu'il figurera l'horizon...

 

Je sors des crayons de couleur et il dessine un phare sur une île (il confirmera cette interprétation), à droite de la feuille (format paysage) et des traits horizontaux qui comblent le reste du papier figurent la mer. Je lui demande d'y mettre une personne, il dessine la figuration habituelle, de face... comme ci-dessus en y intégrant les détails du visage. J'espérais susciter un point de vue... manifestement il est empris dans ce cadre; même si les couleurs conventionnelles confirment la lumière au sommet du phare...

 

... à un puzzle

 

Sans commentaire ni de sa part ni de la mienne, je lui propose alors un jeu d'assemblage où il s'agit de reconstituer un cactus. Ce support a permis à Yann (enfant trisomique) de réaliser que le cactus était situé entre terre et ciel et que sa réalisation avec (pour Yann) puis sans modèle permettait de trouver qu'il fallait suivre des sortes de chemins pour qu'il y ait une continuité des éléments à assembler.


 Cactus copie    Max entrevoit une des planche où il a été réalisé, que je renverse en lui demandant de le reconstituer. Max pose tout de suite les éléments du sol avec ses pierres, va jusqu'au ciel avec son soleil et ses nuages et essaie de combiner les éléments du cactus. Il lui faut jouer entre éléments verticaux, horizontaux, il réalise qu'il peut en redresser un... le problème des 3 entrées pour 3 éléments ne trouvera d'issue que pour deux car c'est très difficile. Il s'investit complètement dans ces essais, et parvient presque à tout organiser.

 

Je l'en félicite et lui demande de raconter ce qu'il voit.

 

Sa réponse pose une interprétation globale en évacuant de ce fait le point de vue de la description et la subjectivité du descripteur/énonciateur: "un paysage".

J'insiste : - Tu es où pour le dire? "dans un désert". -  mais, le cactus, il est où?

Il démarre alors une description technique: "au premier plan..."

J'induis une analyse en lui posant des questions catégorielles, - dans les nuages? "Non", - sur la mer? La réponse arrive enfin, "sur le sol". Je lui demande alors ce qui est en bleu? "le ciel".

Nous avons posé ainsi les éléments qui vont le conduire à réaliser un espace orienté et ce à quoi renvoie l'horizon.

 

 

... Au dessin d'un sujet dans un espace orienté

 

Ce sera le deuxième dessin du jour. Je lui demande de dessiner : - toi, ce que tu vois depuis la plage.

Les 3 plans sont là,  il y a la mer avec sa couleur bleue, puis il trace le soleil, des nuages d'abord esquissés, puis d'autres festonnés, appuyés, envahissent cet espace. Il colorie le sable, mais le personnage qu'il positionne en transparence tourne le dos à la mer. Il sourit quand je le lui signale et campe le buste de quelqu'un d'autre, plus grand, de dos, presqu'au centre de la plage, regardant devant lui, donc la mer.

Il soigne les cheveux noircis qui précisent la position de dos.

 

Il colorie ensuite le ciel (autre bleu, plus violet), laissant en blanc le soleil et les nuages. 

 

Invité à raconter, il énumère:

la mer

le sable

un paysage

et comme je m'étonne (c'est pas tout, ça!) il ajoute

le ciel.

J'interroge "l'horizon?" il le montre alors sans problème. Nous précisons son caractère de ligne "abstraite". Nous revenons à horizontal et vertical en recherchant des exemples des deux orientations dans la pièce...

 

C'est alors que je reprends le premier dessin.

- Où est l'horizon?

- "Y en avait pas. Y avait que la mer. Y avait que l'île."

- D'où on le voyait?

- Il ne répond pas. Je le montre -lui, Max- à sa place. Il tourne le papier! 

 

Comment l'aider à s'y retrouver? 

Pour l'entraîner au changement de point de vue, je lui propose le carnet-jeu "sens dessus dessous" où il faut retrouver un même objet vu de face, de dos, de dessus, de dessous. Il ne comprend pas la consigne d'emblée... Quand il a réussi à trouver les 4 images de la girafe, je lui fais préciser le lexique du point de vue. - D'où on  la voit? Il répond pour chaque image:

- de devant pour de face

- en haut pour de haut

- de dos

- d'en bas pour de dessous. 

 

Discussion 

Max a franchi une première étape, en se mettant à distance de l'objet, il devient celui qui le regarde et peut construire sa propre réponse au lieu de donner une réponse conventionnelle dans une sorte de réflexe conditionné. Il sort du langage tout fait.

 

Quelle chemin va-t-il suivre ensuite?

 

Il y avait la piste des tableaux: projection sur le scolaire de cette recherche de soi, les aura-t-il repris?

 

Il semble que ce soit encore trop tôt car il revient avec des mandalas données par le remplaçant de la maîtresse. Nous les comparons, l'un aux feutres, l'autre aux crayons de couleur. J'explique ma préférence: celui au feutre qu'il aime moins n'est pas fini et ce déséquilibre crée un "mouvement" qui me parle, c'est une "création" personnelle dans une gamme de bleu qui me plait.

Je lui propose alors d'en choisir un autre dans un recueil (Mandalas pour guérir ses chakras). Après avoir choisi celui qui correspond au "plexus", il me demande pourquoi "guérir". Sans entrer dans le détail de cette démarche thérapeutique qui n'est pas la mienne, je me contente de mettre en relation le travail que fait l'ostéopathe avec lui au niveau du stress, avec un noeud  qui, correspondant à cette zone, bloquerait la circulation de l'énergie. Les liens du coloriage apaiseraient... et libèreraient ainsi de certaines tensions...

 

La quête de soi-même continue, il suit son chemin.

 

 

 

Publié dans Dessins

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J
<br /> "Max, 9 ans et quelque, CM1, a été vu par la psy du réseau, la maîtresse se plaint du fait qu’il ne fait pas ce qu’elle lui demande, qu’il se dissipe sans cesse, ne finit jamais rien..."<br /> <br /> Il s'agit du début de l'article pour lequel j'ai oublié de mettre le lien. Il va figurer dans la réponse à ce commentaire.<br /> <br /> <br />
Répondre
J
<br /> <br /> Lien avec "graphisme lenteur et conflit"<br /> <br /> <br /> Un autre article est à paraître prochainement sur le site, intitulé "Graphisme: "Il y a quelqu'un?"... Le parcours de Max".<br /> <br /> <br /> Encore un exemple du rapport de l'écrit DL avec l'implicite... pour l'auteur de ces lignes qui oublie toujours quelque chose et fait tout de travers! Voir l'article sur le blog dans la liste<br /> ci-contre "Dyslexie-communication-neurones miroirs".<br /> <br /> <br /> <br />