Phobie et énonciation

Publié le par Jaz

Attaque-chiens.jpg La construction du temps

de "l'ici au maintenant"

d'un vécu oublié?

 

   Sénia, dix ans, m'a demandé d'aller

à la rencontre des chiens.

   

J'avais évoqué cette éventualité à propos de sa phobie, évoquée par la maman à la dernière Equipe Educative en relatant sa chute le W-E précédent, lorsque, lors d'une promenade à bicyclette, un chien s'était présenté à proximité... J'avais proposé de m'en occuper à l'occasion.

  La séance suivante elle me donne sa version: elle ne roulait pas à bicyclette. J'avais préparé les images d'Adamson, ensemble de petites BD dont une qui illustre ce qui arrive quand le chien surgit derrière le cycliste. La première série concerne un chat qui passe par la fenêtre, elle ne peut dire qu'il tombe! Pour celle du chien, elle commence: "le monsieur voit le chien" (alors qu'il l'entend puisqu'il se retourne dans la situation évoquée), c'est bien ce qu'elle voit, elle! J'essaie alors de la faire s'exprimer sur ce qu'il ressent.

Face à son silence, nous passons aux marionnettes pour mimer "sa" rencontre avec le chien. Dans un premier temps, je suis le chien, puis elle. Comme j'exagère les manifestations de ma peur quand je prends son rôle (en me référant à l'évocation de sa mère) elle proteste: "juste un frisson". Nous travaillerons peut-être sur le livre sur les émotions la fois suivante.

 

Mais la demande est là, la séance suivante, et nous partons, très vite bras dessus-dessous, à la rencontre de chiens hypothétiques, car ce n'est pas l'heure la plus favorable, en parlant de choses et d'autres. Quelques enfants jouent dans l'espace vert ou l'espace de jeu de la "résidence".

On aperçoit cependant en montant la colline une dame avec un chien et je me dirige vers eux, en serrant son bras, la dame s'en va avant que nous n'arrivions sur elle mais nous lachien.jpg suivons à distance et en en parlant.

Elle me dit alors que Cl* en a deux, que c'est cette cousine qui lui a refilé cette phobie mais que maintenant elle n'en a plus peur! Nous sommes à une certaine distance de cette dame et continuons notre chemin derrière les jardins quand elle rentre chez elle. Je lui rappelle qu'elle a confiance en moi, et que de ce fait, rien ne peut lui arriver.

On rencontre alors deux dames qui parlent sur un trottoir où nous sommes arrivées. Leur chien, sur l'herbe, aboient l'un vers l'autre en s'agitant. Sénia veut s'enfuir, je la retiens par le bras et reste avec elle à observer ces chiens à distance raisonnable avant de s'approcher un peu,  Je l'interroge sur ce qu'elle connait de la communication animale, la façon dont se manifestent les émotions, dont la peur. Elle sait que les chiens peuvent avoir peur d'elle...

Je lui rappelle que lorsqu'ils aboyaient, l'une des maîtresses, voyant sa peur, avait expliqué: ils jouent l'un avec l'autre. J'insiste, mais la peur revient quand elle me fait remarquer que l'un d'entre eux n'a plus sa laisse. Je lui dit alors que sa maîtresse le connait et qu'elle sait qu'il ne lui fera rien. Puis ils reprennent leur marche, nous dépassent. Nous les suivrons alors, une fois son émotion atténuée.

Nous reprenons un autre chemin qui longe les maisons et continuons à parler en confiance, de son corps, du travail que nous avons fait sur se connaître, ce corps qui est à elle, la pudeur etc., sans autre rencontre de la gent canine.

Incidemment, j'évoque le fait que cette peur pourrait être celle d'autre chose, quelque chose d'oublié. Je lui suggère d'essayer de dessiner chez elle une scène de sa rencontre avec les chiens, de préférence sans modèle, car il est l'heure de partir quand nous rentrons de notre promenade et nous ne pouvons le faire de suite. Elle précise ce qu'elle dessinera: une dame avec un chien.

 

Que s'est-il passé ensuite? Le maître leur propose des énigmes.

Elle n'a pas compris ce qui était le quiproquo en lisant le texte et surtout le mot  "page" en lien avecchevalier.jpg "initié".  Nous explorons donc le kididoc sur les châteaux-forts. Elle ne sait pas dire pourquoi il y a des chiens dans le château (elle ne sait d'ailleurs pas qu'il y a des chiens de chasse). Elle lit, encore assez mal d'ailleurs. Je l'accompagne en re-lecture. Apparemment cela la lance un peu et elle finit par mieux lire. Nous comparons la vie des enfants du valet et du seigneur. Elle découvre "page" "écuyer". Le fait qu'il y a des étapes pour parvenir à chevalier.

Depuis son arrivée elle se tripote la poitrine (ses seins commencent à pointer...) Je lui rappelle nos discussions sur la pudeur, et nous reprenons le fait qu'elle est "initiée" si on considère son développement sexuel...

Elle semble avoir vraiment tiré parti de cette grande promenade pendant cette semaine Chiots.jpgoù, exceptionnellement, nous ne nous sommes pas vues. En classe, elle choisit comme livre à emporter chez elle, un livre sur les chiots qui ne quitte plus son cartable, nous en parlons sans souci.

Mais ce n'est pas pour autant que la famille suivra la démarche de ce travail, ainsi, elle arrive en retard car il a fallu faire un grand détour pour éviter un chien! La mère a du mal à se séparer de l'image qu'elle s'est forgée d'elle tout comme d'accepter son autonomie naissante. Dès qu'elle s'installe à côté de sa fille, elle se rapproche, transgressant involontairement le travail sur la distance que nous avions fait au départ de la prise en charge et empêchant Sénia, comme engluée dans cette proximité même, de s'exprimer: gêne manifeste, bégayage, schlintement épouvantable, tics, tout se réactualise.

Cependant, nous revoyons ce qui est au programme et qui lui pose encore problème: en maths où elle est devenue forte, un problème de "logique" que je lui explique à ma façon, ce qui lui a permis de "comprendre". Elle est forte en "logique" selon le maître, ... quand nous l'avons travaillé à notre façon!

Et nous prenons enfin en main la question du temps, marques temporelles, de personnes, repérage sur le carnet du "maintenant" après être passées par l'inscription de son parcours personnel, de bébé à une projection dans le futur. Le terrain a été préparé et nous passons au logiciel "De temps en temps" dont elle raffole pour travailler sur un support ludique à automatiser l'inscription de la morphologie verbale.

 

Les figures du "soi" ne sont plus nécessaires, Sénia est bien présente dans nos activités, elle n'a plus sa tête à claque même si elle oublie encore "ses" carnets. Mais le dernier "exercice" proposé de "raisonnement" à partir d'une question impliquant une situation qui ne lui est pas familière (il n'y a pas de magazine télé chez elle), montre qu'il reste encore à ancrer beaucoup d'éléments pour qu'elle puisse trouver par elle-même qu'un magazine de télé (représenté concrètement) contient les horaires des émissions programmées sur une semaine, et trouver les dates du N° suivant et du précédent.


PS Le dessin présenté en début d'article a été réalisé par un enfant de 7 ans, témoin d'une bagarre de chiens sous sa fenêtre


Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article