Miloud: activités logiques (suite)

Publié le par Jaz

Nous en sommes donc à des activités de comparaison, je l'explique à Miloud car il ne peut identifier le nom de l'opération logique impliquée dans les exercices. Je lui fais identifier l'objet de la comparaison pour les deux exercices qui suivent: la taille (premier concept à trouver) puis le deuxième, le poids (cf. la balance qui a inauguré cette série d'articles de juillet 2014), à la base des unités de mesure.

- Grand/petit: opérateur linguistique: plus grand que, plus petit que (le moins viendra plus tard) en comparant trois enfants deux par deux. On compare donc la taille (Miloud connaissait le terme). A tout hasard je lui dessine la façon dont je l'illustre pour moi en le re-écrivant avec les signes symboliques (qu'il connait car il a réussi l'oral en 3e SEGPA avant d'entrer en seconde technique) ce qui donne: Pierre > Nathalie <Valérie, et en dessinant des traits verticaux de taille différente au fur et à mesure que je le dis. S'il l'a réussi intuitivement, je tiens à ce qu'il ait le recours possible à une schématisation, un des principes du cahier: passer de la figuration à l'énoncé et vice-versa.

20140717 151834- Lourd, léger. La consigne part cette fois des dessins (à observer) qui représentent schématiquement une balance de Roberval. Des lettres dans des carrés (figurant des poids) sont comparés deux à deux. Il faut trouver l'objet le plus léger, le plus lourd. On compare donc le poids (ne connaissait pas ce terme). Entre figuration incompréhensible et abstraction de la Majuscule représentant un objet, Miloud est dépassé. Il ne comprendra, comme pratiquement tous ceux à qui je l'ai proposé que lorsque je serai allée chercher la balance et 3 poids sur lesquels le dernier de mes patients avait inscrit la lettre correspondant au classement (les poids creux étaient remplis plus ou moins le pâte à modeler par ceux qui faisaient l'expérience, deux par deux, puis avec le 3e). J'en profite pour utiliser d'autres termes fonctionnels: à droite, à gauche, entre (ce dernier ne semble pas lui poser les mêmes problèmes qu'aux plus jeunes, il a bien la notion).

Miloud est un adulte de plus de 25 ans que tout le monde apprécie pour son intelligence et son écoute de l'autre! Mais l'écrit n'est pas son monde! Son langage est indécomposable, énonciatif et "figé". Bernstein l'avait analysé en proposant "restreint" qu'il opposait à "élaboré" en lien avec l'environnement socio-culturel et donc les usages du langage. 

- A table. Il s'agit 1) de se décentrer (6 assiettes sont disposées  autour d'une table rectangulaire), 2) d'observer le détail du placement du couteau et de la cuiller par rapport à l'assiette sur le modèle proposé à gauche de la table et d'en tenir compte. Sans déplacement du corps. Lorsqu'on pointe que la réponse n'est pas bonne pour toutes les places, si le mouvement de tourner le corps est amorcé, demander de le faire mentalement. Miloud analyse:

"Faire tout le temps déplacer dans sa tête, c'est pas évident. Faut TOUT observer".

- Les "quatre coins". Miloud n'y a jamais joué (pas de centre aéré ni de primaire dans son histoire). Un schéma figure les 4 coins avec les initiales des enfants A B C D E. D est au centre. 3 autres schémas n'ont pas d'initiales mais des flèches vont de l'un à l'autre en indiquant quel enfant change avec quel autre à chaque fois. Il faut construire pas à pas la démarche. Il observe que "Dora est dans le premier"..., et ne change pas lorsque je lui dis de regarder le premier et le dernier, il comprend "Ah!!!" et trouvera seul la formulation de ce qui s'est passé et l'écrit: "au final ils finissent par reprendre leur place".

Il écrit avec l'aide du carnet pour la terminaison du verbe (il ne s'est pas demandé un ou plusieurs), il n'arrive pas à segmenter -par/reprendre-, ne sait pas quel -en- mettre, ni le le/eu de leur, pour la finale ne s'est pas posé la question du masculin féminin... et commente "c'est de la vraie gym, comme ça ça me fatigue un peu.". Je confirme, 'il faut que tu te fatigues. Il te faut apprivoiser les mots, pas seulement les apercevoir. à 100%, ça demande beaucoup d'efforts'.

- A la piscine. Il s'agit de comparer des performances dans le temps à une compétition de natation. Même principe d'initiales pour désigner les enfants mais ils sont dessinés (on peut donc voir qui est en tête, dernier, et au même niveau). - Il part de la lecture de l'énoncé il s'agit d'abord pour lui de le comprendre (il n'a pas l'idée de le confronter à l'image). 'Tu relis. Tu le vois dans ta tête jusqu'à ce que ce soit fluide'.

- Pour vérifier sa compréhension, je lui fais compléter le schéma par les initiales des nageurs et lui demande de compléter la première partie des questions posées seulement. Ce sont des termes fonctionnels opposés car le critère change pour mettre en place l'opposition.

- Pour l'aider à trouver -aussi- je lui rappelle qu'on l'a vu dans créalangage. Il finit par le retrouver, j'annonce qu'on peut dire -autant- pour une autre question, dans une autre formulation.

- Miloud n'arrive pas à raisonner pour les deuxièmes parties d'énoncé car il reste sur le critère rapidité alors qu'il s'agit de temps passé cf: Alain a été le plus rapide, il a mis le moins de temps. Il n'aurait pas eu l'idée de l'analyser de ce point de vue!

Pour la réponse manuscrite concernant deux enfants arrivés ensembles, il ne sait pas écrire "personne", il veut mettre un t(?), un seul n. Nous retrouvons "car" (=parce que) travaillé avec créa langage, "ils son (veut mettre un s, il faut reposer le verbe "nt"), j'explique "ex aequos" (sa formulation).

Nous changeons d'activité en retournant à sensonaime (cf. article précédent mais au niveau phrase). Je lui demande de retenir pour le lendemain une phrase comprenant des circonstanciels pour qu'on puisse la retrouver et changer de place les groupes de mots (il ne le fera pas, pris par d'autres problèmes). Ces fiches le motivent, nous passerons donc à l'exercice suivant à son retour.

- Jeu des fléchettes (sommes égales). Il s'agit de lire le dessin de trois cibles avec les valeurs numériques figurées verticalement. Il oublie ce qu'il a calculé en passant d'une cible à l'autre et raisonne en "le plus près du centre" au lieu de tenir compte des valeurs numériques indiquées. 

- Face à face (celles d'un dé). En lisant la consigne (premier déchiffrage) il saute "autre" et ne peut donc comprendre: "je commence à la fin, si je pars du début, je me mélange". Nous nous aidons de la lecture du tableau pour trouver qu'écrire en nombre autour du dé pour chaque face non visible, je n'ai pas eu besoin d'aller chercher le gros dé qui sert de support concret d'habitude avec les plus jeunes.

La consigne suivante demande d'écrire comment obtenir 8 en lançant les deux dés.

"Ca commence à bouger". Il écrit spontanément 4+4, et trouve les autres sans se laisser piéger par la manipulation des nombres en mettant 7+1 par exemple, comme on peut le faire en oubliant qu'il s'agit du dé. Il en reste au support sans entrer dans un schème construit sur d'autres bases...

La demande suivant demande le déplacement à un total de 10 pour repérer ce qui ne peut se réaliser avec 2 dés. Il est perdu, je lui dis de regarder le dé. "ça me fait mal à la tête. En plus c'est des trucs simples, moi je cherche directement des complications".

Ces deux commentaires correspondent à une modalité de mémorisation qui permet d'accéder à la compréhension d'un texte écrit pour le premier et à une sorte de devise du dyslexique: pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? dont le pendant serait ... à force de devoir tout compenser de ce qui ne s'automatise jamais.

- "Sept oies" (c'est toi). Les enfants jouent à la ronde en chantant une oie, deux oies etc... celui à qui on dit c'est toi est éliminé. Le cercle est figuré avec la position et le nom écrit de chacun des 12 enfants qui sont autour. Un point figure celui qui est au centre et qui parle dans le jeu. Miloud ne comprend rien du jeu de mots faute d'avoir intégré la liaison (il n'arrive toujours pas à les réaliser en lisant, le mot garde son individualité... malgré mon insistance, particulièrement travaillée après la lecture verticale). Je reprends les exercices de base, il n'y arrive pas même avec des mots comme oreille, orange... On construit donc -zoies-. Il faut écrire dans l'ordre le nom des enfants éliminés.

- Il voudrait mettre un s à ronde qu'il n'a fait que lire et s'explique: "quand je dis -ronde- je vois plusieurs, donc je dis les enfants". Entre marque et concept, il en est encore à des critères perceptifs.

Il lui faut lire une deuxième fois (pense-t-il) pour comprendre la phrase, car il a encore sauté un mot (fonctionnel) -dans- l'ordre... Il demande pour le tréma... Il n'a pas compris qu'il faut repartir... en partant du suivant et il continue à compter ceux qui sont partis, quand je le lui signale il les raye.

Quand il s'agit de poursuivre la liste, éliminé en premier, Gaëlle, il ne peut poursuivre éliminé en... sixième (il demande c/i?) etc...Et je réalise qu'il n'a aucun automatisme d'écriture des nombres en lettres alors qu'il en évoque la liste sans problème!!!! Tout est à reprendre mais le support est là, cette fois, construit déjà et automatisé à la différence des listes que j'avais essayé de construire sur la base de séries par exemple.

 

Nous arrêterons là le travail du cahier de "logique" car il s'agit d'utiliser une liste lexique automatisée à l'oral pour reprendre toutes les règles d'écriture. Cette étape du travail sur la composition écrite des nombres a toujours été nécessaire avec les petits qui avaient à mettre en place la numération. Ce n'est pas son cas, mais le lexique reste oral avec certaines simplifications/déformations de la parole. Ce sera le support de notre prochain travail.

Nous passons donc à "écrire les nombres"... il n'a intégré aucun repérage, pas même le s de six et encore moins le x!

Publié dans évocation "mémoire"

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