Conscience du handicap (trisomie)
a réalisé ce dessin de sa famille en primaire, bien avant de venir me voir.
Je l'ai accompagné dans son cursus au collège. Il est entré en EMP, et ce grand jeune homme vient régulièrement encore pour que je l'aide à comprendre ce qui lui arrive, ce qu'il ressent et à gérer sa relation aux autres...
(extrait d'une liste de discussion actualisé dans un article link sur le site sos)
"Il m’a fait vivre une situation bouleversante hier, je suis allée trop loin et il me l’a dit avec ses mots, dans le système de compréhension de son fonctionnement mental que nous avions posé ensembles. Dur rappel à la réalité et fort sentiment de culpabilité de l’avoir bouleversé ainsi.
Le plus souvent je le laisse libre de choisir son activité, ce qui surgit souvent de notre échange préalable sur la semaine écoulée ou qu’il pose d’emblée. Il adore dessiner, le réclame très souvent : il élabore en dessinant link. Il sort d’ailleurs du dessin primitif dans la représentation de lui-même de dessin en dessin, en entrant progressivement dans l'âge adulte, il se situe dans sa relation au monde, déplace l’élément stéréotypé etc...
Cependant, il m’arrive de me sentir très orthophoniste et de vouloir préciser la forme de son expression (cr/tr, agrammatisme etc...) qu’il peut corriger mais ne met en pratique spontanément que dans des situations "figées", énoncés tout faits etc...
J’utilise avec mes ados "les goûters philos" et je lui demande d’en choisir un pour faire un exercice de lecture qui améliorera sa diction car il lit très bien. Il choisit “Libre ou pas libre”, thème dont nous avons souvent débattu avec des mots accessibles, à partir d’une situation concrète de son expérience vécue. Et voilà que je me mets à faire ce que je fais avec les DL/DO, vérifier ce qu’il a compris des situations évoquées... Il a beau me dire qu’il ne peut pas, j’insiste en pratiquant mon étayage verbal habituel qui recontextualise la situation, il me dit alors "trop de mots" avec l’expression d’intense souffrance qu’il a quand nous abordons, à sa demande, le thème du regard de l’autre et des moqueries dans les transports en commun ou à son EMP.
Je lui propose alors de dessiner moi-même pour l’aider à comprendre la situation évoquée à partir d’un exemple différent qui me semble plus accessible sur le partage d’un espace, pour qu’il puisse me le restituer en le reformulant ce qu’il a lu. Je dessine et nous retrouvons les deux situations du texte, mais il souffre de tous ces déplacements que je lui impose. J’ai l’idée aberrante, comme si je n’entendais pas sa souffrance, de poursuivre pour les deux autres exemples, plus abstraits encore.
Son expression de souffrance s’accroit si cela est encore possible
(c’est de "l’acharnement thérapeutique" comme je l’ai fait avec certains dyslexiques qui m’ont dit en retour que cela leur avait été nécessaire cf. Yvan),
"MON CERVEAU A DES DIFFICULTES, IL EST DETRUIT"
et il se met à parler des "MANIFESTATIONS", lui il ne manifeste pas (je glisse : avec les lycéens, thème d'actualité), il n’est pas comme eux, il ne manifestera pas, il ne veut pas les manifestations... et finit sur ces mots tellement révélateurs de la souffrance de son hyperconscience de ses limites (je vous avais sollicités dans un ancien message sur link"conscience du handicap: trisomie") :
"LA RAGE DE MON FRONT C’EST L’ESPRIT"
et poursuit un peu après "AVEC LES MOTS DIFFICILES" tout comme il avait dit
link"MOI HUMAIN HANDICAPE TRISOMIQUE".
C’est bien là que réside sa révolte. Il est parti chez lui, la main sur le cœur, seule valeur dont il est sûr dans notre construction conceptuelle de son univers (voir les articles qui lui sont consacrés ci-dessus).
Quel cadeau Artus m’a fait là, me rappelant que notre "pouvoir" rencontre le respect des "limites" de l’autre... et combien l’émotionnel doit être pris en compte pour les définir.
Un si long message mais le sujet est, àmha (à mon humble avis), au cœur du sens de notre intervention.
Jacqueline"