Dyscalculique? Dyspraxique? apprendre ou comprendre?
Prise en charge ou "bilan" d'investigation à l'ancienne ?
Au cours des 4 séances qui ont suivi les 2 premières rencontres avec Laureen, nous avons continué à explorer différentes pistes.
17/11
LE TEMPS
- Il nous a fallu reprendre la fiche du temps qu'elle avait été incapable de faire, s'étant exercée avec le boulier à la maison. Nous avons du passer très longtemps, avec un étayage soutenu, pour lui faire comprendre le passage de 1) la narration image par image (séance précédente) à 2) situer le moment (trouver les repères l'indiquant sur l'image) et 3) l'inscrire sur le schéma linéaire marquant la durée, traçant un trait pour situer l'heure. Puis répondre aux questions.
- Nous regardons attentivement son classeur d'école, elle s'explique sur ses erreurs. Il devient tout à fait évident qu'elle a un problème majeur avec les consignes.
Je pense à Lila qui réussissait encore beaucoup moins bien qu'elle et avait été enfin reconnue comme dyspraxique avec une dyscalculie très importante. Cependant, Lila se présentait comme une vraie "Bécassine" ne comprenant pas ce qu'on lui disait, demandait etc... alors qu'elle était très appliquée. Pour moi ce n'était pas un retard mental, et elle a réussi à terminer le primaire dans une classe relativement aménagée.
- Nous reprenons playmath et elle commence à globaliser un peu au niveau perceptif en utilisant peut-être des stratégies que je lui avais suggérées en passant, et peut-être d'autres, car le principe de ce logiciel est d'amener l'enfant à se donner des repères pour parvenir à construire un raisonnement à partir d'une approche perceptive.
Les notions clés impliquées dans les jeux de Play maths concernent : l'identité, l'ordre, la quantité, la série numérique, les compléments, la différence, les multiples, les diviseurs, les repères spatiaux, l'orientation, la réflexion..
Elle s'autonomise avec bonheur dans ce jeu qui participe à l'aider à ne pas rester sur une démarche de comptage à partir de l'unité, mais également depuis le 10 en sens inverse, de tenir compte du "milieu", s'appuyer sur celui d'avant, d'après etc... en préparant le 2e où il s'agit non plus de choisir un nombre mais de remplir les manques. Ce sera pour après les vacances.
Les réglettes : sériation
Les réglettes cuisenaire sont le support d’opérations de comparaison, puis de classifications, sans passer par le nombre au départ, ce qui permet à l’enfant d’inscrire des repères dans la perception des couleurs, de la taille, d’établir des sériations mais aussi des équivalences, d’effectuer des « opérations » sur la base de manipulations, de transposer... Au premier contact il les manipule à sa guise et commence déjà à faire des observations. Avec les cadres, il est invité à trouver les règles de ce qu’il observe. Il découvre ainsi avec les différents cadres, les relations logiques sans devoir les "apprendre", à partir de ses expériences.
LES RÉGLETTES CUISENAIRE
Un autre support pourrait l'aider à diversifier l'approche d'un contenu pour une perception globale du nombre et mon programme du jour était d'introduire les Réglettes cuisenaire (présentation).
Je la laisse dessiner avec les réglettes dans un premier temps : elle pose précautionneusement quelques réglettes, une première forme non fermée, qui deviendra maison déséquilibrée et fait ainsi quelques expériences.
Elle remplit ensuite un cadre qui contient 10 encastrements différents dans tous les sens avec une seule réglette. Elle essaie de même avec plusieurs.
Elle aura comme tâche de se familiariser avec ces réglettes en les appelant du nom de leur couleur. Elle est d'une lenteur quasi insupportable tout comme quand elle écrit.
2/12
Perception de la série à compléter puis de ce qui compose le manque en les ajoutant
LES JEUX DE PLAYMATH
Le jeu suivant demande de choisir le lieu où l'on place les briques et de l'indiquer avec une petite truelle en bas de la colonne correspondant au choix, il est prudent de remplir au maximum chaque colonne avec les 3 et les 2 briques au lieu d'utiliser les 1 en les empilant pour finir avant l'autre. Ce retour à Play maths sera pour la fin de la séance, la récompense. De même que les éléphants qu'elle commence à maitriser au niveau 1 où ils sont toujours figurés.
LES INFORMATIONS DU CLASSEUR DE L'ECOLE
Nous retournons à l'exploration du classeur, elle repère le c (k) et le f comme problématiques pour elle. Voyelles/consonnes seront donc à mettre à notre programme : elle en a l'usage mais ne peut les réciter. Sait-elle seulement les différencier ? Si elle y arrivait, tout comme les premiers nombres, ils n'auraient aucune autonomie en dehors d'une liste. Il y a bien évidemment l'opposition verbo-nominale. Les bases langagières du langage écrit. Elle semble se débrouiller dans les exercices. mais il n'y a pas de généralisation, faute de structuration sous-jacente.
RETOUR AUX RÉGLETTES
Avec le cadre d'emboitements de la photo, faute de temps, je vais devoir brûler les étapes jusqu'à lui faire réaliser par le jeu des remplacements que le petit cube blanc représente l'unité, après lui avoir fait retrouver les réglettes du cadre symétrique, je lui fais remplacer l'une ou l'autre par des cubes blancs et finis par lui faire compter combien de blancs elle a mis dans chaque etc...
J'introduirai un peu plus tard le 12 pour qu'elle puisse faire le lien avec l'heure.
Je n'applique pas la démarche de la méthode à la lettre. J'ai donc très vite réintégré les nombres mais c'est à titre indicatif pour qu'elle se rassure sur l'objectif final: les "maîtriser" en quelque sorte en "comprenant" ce qu'ils signifient par ce que les cubes nous montrent.
Le calendrier de base et la ronde des jours de la semaine. Lecture de l'heure
LE TEMPS
Après les heures nous abordons les jours. Elle en a l'usage dans la vie mais ne peut les remettre en ordre avec des étiquettes sur le tableau de feutre que je lui ai fait compléter quand j'ai vu qu'elle ne comprenait rien à la 2e page de la fiche ci-dessus. Nous devons le faire ensemble. Elle avait réussi le premier exercice.
Nous devons reprendre la ligne comme principe pour faciliter sa compréhension des termes de la consigne en lien avec la tâche, et utilisons les étiquettes du tableau de feutre pour qu'elle fasse le lien entre la colonne, la ligne et leur disposition dans un cercle... et, après l'exercice pour lequel je reprends les termes que j'avais utilisés pour l'aider à remplir la frise de l'heure, "avant/aprés" de la séance précédente...
... nous découvrons qu'elle ne sait pas lire l'heure sur une horloge. Je vérifie rapidement qu'elle connait le jeu des aiguilles, se souvient du boulier pour compter de 5 en 5 afin relier une perception globale au travail sur les nombres. J'ai sorti le réveil cassé qui sert aux manipulations. Je précise le passage de 12 à 14 en le situant par rapport au matin et à l'après-midi, le lexique courant avec moins le 1/4. J'ai ressorti les secteurs pour visualiser le coupé en 4 etc... Toujours un support manipulable.
L'heure passe et ne retrouvant pas le reste de mon matériel de rééducation en fiches je suggère à sa mère de l'y entraîner en le mettant en relation avec son temps "vécu" pour faire sens.
Généalogie compréhension des énoncés en vrai et faux
LES RELATIONS FAMILIALES
Je vérifie avec elle la fiche de la généalogie, et, en vérifiant le lexique au préalable, reprenant soigneusement la consigne en montrant à chaque fois sur le dessin ce qui correspond aux mots écrits, elle se débrouille ensuite toute seule pour répondre aux questions. Nous commençons sa propre fiche généalogique en commençant par elle, son frère, sa soeur, et remontant les générations etc... Tout est bien en place dans sa tête.
Reste le calendrier. Repérer les fêtes, les anniversaires. L'explorer en quelque sorte. Ce qui revient en changeant de présentation d'un calendrier à l'autre, les symboles etc... Je dois passer rapidement...
Pas le temps d'approfondir car elle attend Playmath et cela fait près de 2 heures que nous travaillons. Elle reviendra dans une semaine.
9/12
La danse sur le mur
PRÉGRAPHISME
Avant d'embrayer sur le temps avec les saisons, j'ai préparé sur un mur du couloir de grandes feuilles pour lui faire prendre conscience de la façon dont elle est crispée de l'intérieur pour écrire, ce qui peut justifier en partie son extrême lenteur. Cela fait partie d'une approche psychomotrice que je n'ai malheureusement pas le temps de développer avec elle : tout le corps participe à la mise en place du geste.
Nous commençons par quelques mouvements d'occupation de l'espace, la vérification de sa détente quand elle lâche les bras, puis je lui montre comment on se grandit en partant tout droit vers le haut sur le mur, puis on redescend en s'ouvrant comme un cœur, le mouvement inverse en partant du haut... avant de commencer la danse des deux mains le long du mur des festons et boucles en série de la G vers la D et retour sans lâcher les gros crayons dont elle a choisi la couleur. Qui dit danse dit déplacement latéral en souplesse sur les jambes, ce qui revient à effectuer un pas glissé (elle fait de la danse) en coordonnant le tout. Je prends ses mains pour la guider et le fais avec elle à sa hauteur après lui avoir montré à ma propre hauteur ce que j'attends d'elle. Elle est donc comme lovée en moi et je l'entraîne. Que de crispations je perçois mais nous manquons de temps et nous devons retourner aux fiches du temps qui nous attendent !
Approche de la ronde des mois et des saisoons
LE TEMPS
Laureen ne connaît pas la liste des mois de l'année et, plus grave de mon point de vue, elle ne sait pas en quelle saison nous sommes. Cette notion lui échappe sur les images de la fiche. Je vais chercher le fourgon, livre très ancien de plus d'1/2 siècle (images vieillottes en noir et blanc) qui présente toutes les notions de langage pour l'éducation des enfants sourds (très utile pour les retards de langage). Nous recherchons les pages figurant le jour, la nuit, pour situer l'image de la maison de référence et passons aux saisons. Cela ne l'aide pas non plus, je lui propose alors le puzzle des saisons dont la présentation induit la continuité entre elles. Je dois l'aider en lui faisant décrire les pièces pour qu'elle "comprenne" ce que les dessins représentent. Je lui donne des repères en référence à ce qu'elle peut en vivre : la neige, le soleil, il fait chaud. Elle a beaucoup de mal à repérer le printemps malgré les fleurs et le nid d'oiseau...
Il s'agit de passer par un espace-temps vécu.
Nous reprenons la fiche de son dossier et j'introduis ma propre figuration de la ronde des mois pour commencer à faire le type de repérages sur le calendrier demandé et qu'elle puisse terminer la fiche à la maison. Je lui fait ajouter les anniversaires de la famille sur la ronde des mois...
Nous sommes retournés aux réglettes cuisenaire pour partager l'ovoïde en 4 puis chaque morceau en 3 avant de mettre les séparations. Avec Laure j'avais procédé avec le support de jetons, mais je ne l'ai pas encore utilisé avec elle. Elle écrit les mois avant d'indiquer Noël qui approche, sur le principe de la frise des heures où elle avait repéré les heures des actions sur les images. Nous cherchons où situer son anniversaire etc. Nous confirmons ainsi différents types de codification, figuration....
PS. Elle n'arrivait pas à mémoriser la suite, l'enchaînement des mois, la différence entre année civile et scolaire. Sa mère lui a inventé une histoire. Elle s'est exercée toute la nuit et sera toute fière d'avoir réussi à le mémoriser !!
Je n'ai pu qu'amorcer le travail pour qu'elle les mémorise faute de temps pour prendre celui que j'aurais souhaité lui laissant le temps de "découvrir davantage.
16/12
Les cartons pour faire les sons
Les oppositions du système phonologique
Les vacances approchent. Il est urgent de passer au système phonologique et à la correspondance grapho-phonémique pour les confusions de lettres quasi systématiques qu'elle-même a signalées.
Je sors les boites avec les petits cartons, un des carnets où figurent les images des tableaux de rééducation (cf. Yann, Miloud etc.) dont les deux ci-dessus qui les regroupent, rouge pour les voyelles, bleues pour les consonnes. Cette façon de les appeler a été donnée par un non lecteur du collège et est restée. Elle synthétise l'originalité d'une approche phonographique (et non l'inverse). On part du son caché dans le mot pour retrouver la ou les lettres qui le figure à l'écrit.
On part du son porté par la voyelle. Elle ne les perçoit pas dans les mots. Nous nous exerçons à les identifier pour les retrouver toutes et les disposer comme sur le tableau. Elle n'en connaissait pas la liste bien sûr et je n'ai pas le temps de repasser par les jeux de l'alphabet pour partir de ce qu'elle est censée connaître. Je dois faire des choix, là comme ailleurs.
Je lui fais retrouver les différences de mode articulatoire oral/nasal pour les voyelles, pour les occlusives où on retrouve cette opposition avec en plus celle des sourdes/sonores, les symboles qui les représentent, les 3 niveaux de position de la bouche et de la langue dans chaque colonne. De même pour les constrictives (souffle permanent). Et celles qui n'entrent pas dans ce système que j'ai mises à part dans la colonne de droite.
Je ne regrette pas le temps passé à le lui expliquer en essayant toujours de le lui faire réaliser par et/ou sur elle-même car sa mère m'a assuré que cela lui servait beaucoup ; plusieurs mois après elle s'y réfère encore.
Je lui demande de le retrouver en disposant les cartons sur la table comme ils sont sur le tableau modèle (les commandes aussi sont sur des cartons). Je la laisse seule pour qu'elle s'autonomise. Je reviens avec la maman pour lui montrer le prochain jeu en deux étapes. Reconstituer les tableaux puis montrer les lettres qui correspondent aux sons entendus. Je ne sais trop si elles iront jusque là. J'utilise une démarche de guidance parentale où, pour "jouer" ensemble, je les mets en compétition, car il est trop dur pour l'instant de leur faire trouver des mots pas trop difficiles pour réaliser l'exercice.
Les opérations problèmes
Nous reprenons les fiches studia pour raconter d'autres images avec + et -.
Playmaths
Nous reprenons tous les jeux qu'elle veut sur playmath que nous n'avions pas le temps de reprendre. Elle s'exerce aux éléphants au niveau 2. Elle y arrive de mieux en mieux. Elle se fait vraiment plaisir. Je lui montre même le jeu de décomposition du nombre pour les tables de multiplication. Elle est dépassée bien sûr, mais j'essaie, comme toujours depuis le début, de lui montrer la pluralité des approches possibles de ce "calcul" qui la dépasse pour qu'elle prenne confiance en elle et progresse. La réussite sera au bout du chemin. Au cours de mes explications, j'ai semé beaucoup de graines...
Cette phase de nos rencontres se termine. Une évaluation globale des observations et du matériel qui nous a soutenues dans l'effort de compréhension de ses difficultés à comprendre ce qu'elle n'arrive pas à apprendre, est présenté sur l'autre blog